Il m'arrive aussi d'écrire de la musique pour des documentaires et des films. C'est une sorte d'exercice d'abstraction de quelque chose qui est déjà abstraite: l'émotion. Certes, les américains ont déjà informatisé la tâche. On peut se procurer de la musique toute faite. Vous avez besoin de l'accompagnement pour une scène d'amour, de souffrance et que sais-je encore, appuyez sur un bouton, vous avez plus d'une dizaine de choix. La vie devient facile. Et si on allait festoyer chez Macdo ce soir...
Musique générique du film
Extrait de la musique de la scène de la galérie où Grace découvre le tableau de Jésus. Hystérique avancée, Grace, choquée, perturbée, quitte en panique la galerie d'art : une belle démonstration clinique de passage vers une hystérie mystique. C'est comme un hommage à Lucien Israel.
Par cette occasion, j'ai pu tester un de mes systèmes harmoniques que j'affine.
Extrait de la musique de la scène de viol. Ames sensibles s'abstenir...
Dans les steppes de Sibérie couvertes de neige, le mot infini prenait un sens. Au milieu des formes tortueuses, la grisaille froide ne connaissait aucun obstacle pour s'emparer de tout corps perdu au milieu d'un espace sans horizon ni confin. D'un seul coup, une silhouette est apparue. Empruntant une ligne invisible mais apparemment familière pour celui qui la conduisait, une Volga noire semblait lutter de toute ses forces pour avancer sur un amas de brume recouvrant une surface indéfinissable. L'air scintillait de milliers d'étincelles follettes dont les fluctuations engendrées par des forces d'un autre monde venaient défier la voiture. Les quatre hommes, tous habillés en noir, portaient des lunettes sombres. Leur visage immobile était tracé par un passé tumultueux, obscure et violent. Ils ressemblaient à des anges de la mort. Ils étaient décidés d'aller jusqu'au bout, quel que soit le prix. La scène dont la longueur donnaient l'impression que tout était arrêté m'a semblé encore plus surprenant sans musique, sans parole ni bruit. Voilà ce que l'extrait de ce film d'espionnage pour lequel j'ai écrit cette musique avait provoqué en moi comme émotion. Dans le film, avec des tempis différents, le thème se répéta en martellant les sentiments de tension et de fatalité. En l'installant ici, je l'ai réécouté. Je suis étonné de la texture en cloches orthodoxes qui en réside. Essayer de chasser le naturel n'est qu'une perte de temps !
Extrait thème Volga Noire
Illuminé de mes yeux de feu
1.1 L'Innommable commença à s'ennuyer du néant.
1.2 A l'époque le néant ne fut qu'une brane fluctuante et scintillante.
1.3 Dans une monotonie perpétuelle et chaotique, le néant se passa à se défaire, se retrouver, s'annuler et à se refaire depuis l'éternité.
1.4 Un ressentiment insupportablement envahit la Maison de L'Innommable.
1.5 En colère, exalté, l'Innommable s'agita à droite, à gauche, suivi de ses états: sa force, sa lumière et sa présence.
1.6 La Sophia, notre-Dame-l'Esprit-Saint ne le suivit pas.
1.7 Ses yeux de tendresse et de bonté tournèrent tristes.
1.8 Elle parla mais sa voix de velours devint inaudible.
1.9 L'innommable en colère marcha sans s'arrêter allant de l'infini à l'infini.
1.10 L'innommable gronda, fracassa, tarabusta contre le néant parce qu'il était néant.
1.11 Le néant continua à se passer à se défaire, se retrouver, s'annuler et à se refaire depuis l'éternité.
1.12 L'innommable avertit le néant.
1.13 L'innommable dit au néant qu'il ne le sera point s'il continuait à être néant.
1.14 Le néant l'écouta pas et continua à se passer à se défaire, se retrouver, s'annuler et à se refaire.
1.15 L'innommable dit au néant: je t'ai dit de ne pas être ce que tu es et tu ne m'as pas écouté. Alors j'ai décidé que tu ne sera point néant. Tu seras assouvie de ma fureur. J'envoie toute ma colère contre toi.
Voici le texte qui correspond à l'extrait en musique électroacoustique que je propose ici. Il s'agit d'un essai opératique en électroacoustique. Il y a quelques années, je me racontais une histoire de la Genèse. Un jour, je l'ai imaginé en musique et ai voulu la concrétiser en une pièce d'opéra électroacoustique. Pour un quart de ce que tu racontes, on t'aurait brulé vif il y a quelques siècle avait dit un grand compositeur, Sadeep Baghwati. L'histoire est longue et le travail continue… Ici, il n'y aura qu'un court extrait sans les instruments acoustique. En fait, l'orchestre devrait jouer en même temps que la bande électroacoustique. Il faut de la patience...
Extrait "La Maison de l'Innommable"
Accident de travail
- T'as mis presque deux ans pour synthétiser la voix de l'Innommable ?
- A peu près
- Mais t'es fou!
- ......
Quant les Anges s'en mêlent
Les excès de colère de Dieu inquiètent tous les anges. Pendant que ça discute fort chez les Archanges et les Anges Gardiens, les Séraphins préparent déjà des communiqués de presse, pas plus honnêtes d’ailleurs que ceux que des hommes feront des siècles plus tard à leur image, pour anesthésier toute velléité de prise de conscience du peuple des Anges.
Pendant que les Chérubins se sont planqués dans leur laboratoire, en se donnant des airs de "génie-folie" pour effrayer d’avance ceux qui oseraient poser des questions, les Trônes se sont cachés sous leur bureau après avoir pris la précaution de bien cadenasser leur porte à double tour en y attachant des écriteaux avec des mentions fallacieuses telles que "muté ailleurs" , "absent pour maladie", "plus de rendez-vous avant dix siècles" et bien d’autres...
Dans la cour courtisane, Dominations, Vertus et Forces ne sont devenues que des étiquettes. Cette "élite" angélique, les yeux désorbités, l’estomac dans la bouche d’inquiétude, d’angoisse et la peur de perdre de position, de descendre d’échelon ou simplement de disparaître, tremblant, transpirant, se contente de suivre un Dieu tarabustant, vociférant, grondant, fracassant et s’agitant de l’infini à l’infini.
Dans cette atmosphère pesante, les petits Anges, le peuple, les sans-dents, se permettent de questionner les hautes classes. Leur esprit, pas très sophistiqué mais bourré de réflexes de survie, produit avec aisance des raccourcis spirituels tel "Tous Fous !". Au bout de beaucoup de siècles, les hommes vont les imiter à leur image en beuglant "Tous Pourris !" et eux aussi vont produire des bijoux de l’intellect recueillis dans des anthologies nommées "Brèves du Comptoir".
Voici la scène qui décrit l’intervention du représentant des Principautés venant contrecarrer l’ambiance délétère dans laquelle se trouve le peuple des Anges ordinaires et ordinairement râleurs-grommeleurs.
Acte "Quand les Anges s'en mêlent"
Accident de travail
- On ne voit pas où tu veux en venir? Cela devient du top délire!
- ...
PS. Cet acte n'a pas pu être réalisé sans l'aide précieuse apportée par l'ami Thomas d'Aquin allumé de tout feu.
Il est souvent étrange d'entendre des gens se proclamant "mélomane" dire "Pour moi, il n'y a que la grande musique !" ou encore, "je n'écoute rien après l'époque Chopin, je déteste la musique contemporaine". Dans les détestations on peut aussi inclure des styles interchangeables comme "jazz, rock, classique et que sais-je encore". Tout dépend de la tête du client.
Il est aussi vrai que quand quelqu'un dit "je déteste …" je sens qu'il y a soit un manque de vocabulaire ou de finesse d'expression soit quelque chose de maladif, de névrosé. Surtout, quand il s'agit d'un style musical, cette expression ne cible pas un point précis mais laisse prévoir un paysage du monde intérieur de celui qui le prononce.
Le terme "mélomane" me laisse perplexe parfois. Je ne connais pas son sens. C'est une propriété auto-attribuée par des précieux? Une couche de vernis de petit-bourgeois qui laisse apparaître un trou noir une fois gratté? Un cache-misère émotionnel? Chez un mélomane, la musique sert-elle à décorer un vide, à faire barrage à l'angoisse d'être seul? Une sorte de faire valoir? "On n'est pas si nul que ça ! On sait écouter de la musique... Quand même!"
Je pense aussi que la relation que l'on a avec la musique ou l'art demeure dans le domaine de l'inné. Certains sont dotés d'une capacité de compréhension de l'harmonie et du rythme sans passer par une éducation quelconque. Je parle des enfants qui sentent qu'il y a une fausse note ou une erreur d'interprétation d'une partition dont ils ne connaissaient même pas l'existence jusqu'à lors. C'est la capacité de sentir comment faire sans même avoir les outils techniques pour l'exécuter. C'est la capacité de recréer l'œuvre dans l'esprit sans même l'avoir entendu ne ce reste qu'une fois. Ce qu'on fait de ce potentiel est une autre histoire. Une formation intelligente et pas celle qui commence par le solfège pour tuer toute envie de jouer d'un instrument peut permettre aux individus de s'exprimer dans le langage musical comme de bons auteurs dans une langue. Je pense que ce sont des sots enthousiastes ayant beaucoup d'initiatives qui ont instauré la formation musicale commençant par le solfège, uniquement par idéologie. Quand les bons sentiments croisent l'art, c'est souvent des accidents regrettables qui naissent. Un exemple? Je pense que retirer la pipe à Tati de sa bouche est encore l'œuvre d'un de ces sots enthousiastes avec de bons sentiments en fougue. Idéologiquement correcte dans l'art me fait peur. Il y a quelque chose de Jdanov dedans.
Voici une étude d'écriture en électro-acoustique. Je dis écriture car tout ce que j'ai pu faire est à partir de l'écriture. Je ne suis pas doté d'autres capacités. Les choses doivent être structurées d'abord dans mon esprit. Je joue, rejoue dans ma tête et par la suite, une fois que le gros de la structure apparaît, je commence à écrire. Merci Finale! Son titre est "1er voyage". Il contient des extraits d'une valse que tout le monde considérait triste, un pattern rythmique que j'avais mis dans le générique d'un documentaire, un autre pattern rythmique destiné à ma fille qui voulait apprendre à faire de la techno couvrant ici une fugue injectée dans des oscillos etc... Message personnel pour les artisans bruiteurs de GRM (Groupement de Ratés de la Musique?) de Radio-France: Certaines cliques et claques proviennent d'un CD japonnais de bruitage et ne sont pas toutes synthétisées par moi.
1er Voyage